Lumière bleue : Un spectre qui dérègle notre horloge interne
- caglioti piller audrey
- 23 juin
- 3 min de lecture
Numéro 7- Kiné Solutions - Juin 2025

Parmi les nombreux paramètres environnementaux susceptibles d’influencer la santé au travail, l’exposition à la lumière bleue reste souvent négligée. Pourtant, les recherches récentes convergent : une exposition prolongée ou inadaptée à la lumière bleue artificielle – notamment en fin de journée – perturbe les rythmes circadiens, altère la qualité du sommeil, et contribue à la fatigue cognitive.
Dans un contexte de généralisation du télétravail, d’open spaces à éclairage LED, et d’hyperconnexion professionnelle, il devient urgent d’intégrer ce facteur dans une approche globale de prévention.
La lumière bleue est naturellement présente dans le spectre solaire, et joue un rôle important dans la régulation de l’horloge circadienne.
En journée, cette stimulation est bénéfique : elle améliore l’éveil, l’attention, et les performances cognitives. En revanche, en soirée ou en cas d’exposition prolongée à des sources artificielles (écrans, LED froides), elle inhibe la production de mélatonine, retardant l’endormissement et perturbant la structure du sommeil.
Les conséquences sont nombreuses : désynchronisation des rythmes veille/sommeil, sommeil fragmenté, moins profond, réduction de la durée totale de sommeil, fatigue matinale, troubles de l’humeur, baisse de vigilance, et à long terme : troubles métaboliques, cardiovasculaires, immunitaires.
Des études ont mis en évidence chez les travailleurs de bureau qu’ une exposition tardive aux écrans est corrélée à un sommeil plus court, une somnolence diurne accrue, et une fatigue cognitive en fin de journée.
En télétravail : l’absence de repères temporels favorise l’usage prolongé des écrans sans phase de récupération ni exposition à la lumière naturelle.
Pour les travailleurs en horaires décalés, une mauvaise gestion de la lumière (notamment artificielle) aggrave les troubles du sommeil et du métabolisme déjà liés au travail de nuit.
Plus globalement, l’altération chronique du sommeil est désormais reconnue comme un facteur de risque pour : le burn-out, les troubles musculosquelettiques, et dépressifs.
L’enjeu de la lumière bleue dépasse largement le seul contexte de travail. Notre environnement personnel est tout aussi saturé d’écrans : télévision, smartphone, tablette, liseuse, ordinateurs personnels… Autant de sources d’exposition prolongée, souvent en fin de journée ou en soirée, au moment même où notre organisme a besoin d’obscurité progressive pour enclencher les mécanismes de récupération. Or, cette surexposition est souvent renforcée par des comportements de plus en plus ancrés : navigation sur les réseaux sociaux en soirée, consultation systématique du téléphone au réveil ou dans la nuit...
Ces usages « personnels » s’additionnent à la charge d’exposition déjà accumulée au travail, créant un déséquilibre chronique qui dérègle progressivement les rythmes biologiques, souvent sans que la personne en ait conscience.
Pour limiter les effets de la lumière bleue sur le sommeil et la santé, il est essentiel de favoriser l’exposition à la lumière naturelle, notamment le matin, afin de synchroniser l’horloge biologique.
En parallèle, il est recommandé de réduire l’usage des écrans en soirée, en évitant téléphones, ordinateurs ou tablettes au moins une heure avant le coucher. L’activation du mode "nuit" ou l’utilisation de filtres à lumière chaude sur les appareils permet également de diminuer l’impact lumineux.
En entreprise, l’aménagement de postes bien éclairés naturellement, l’usage d’éclairages adaptés et une sensibilisation aux enjeux de l’hygiène numérique complètent la prévention. Enfin, encourager des temps de déconnexion en dehors du travail contribue à une meilleure récupération cognitive et à un sommeil de qualité.
La lumière bleue n’est pas en soi pathogène, mais c’est son excès, son usage prolongé, ou son exposition mal calée dans le temps qui peuvent devenir délétères pour la santé.
Dans un monde de travail numérique, connecté et parfois désynchronisé, la gestion de la lumière – au même titre que l’ergonomie physique ou la charge mentale – devient un levier essentiel de prévention santé.
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